Il est certain que nous ne sommes pas simplement poussés en avant sur les méandres de notre chemin par nos simples actions mais que nous sommes toujours attirés par quelque chose qui semble toujours nous attendre quelque part et reste toujours caché.
Hugo Von Hofmannsthal.


 



J'aime les textes (souvent à l'écriture obsessionnelle) dans lesquels les êtres essaient de se parler, tentent de trouver comment s'atteindre. Cela engendre et nécessite un dialogue parallèle, un dialogue intérieur et qui n'est pas sans humour entre la pensée donnée par les mots de l'auteur et la sienne propre sur l'instant – et chargée de tous les instants d'avant, celui du mouvement de la représentation et de tous ceux des répétitions.

Cependant, on ne "répète" à proprement parler jamais. On exerce, on traverse. L'idée de TRAVERSÉES appartient plus à notre langage de travail que les mots de filage ou de répétitions. Parce que nous traversons, et sommes traversés… sinon, nous ne sommes pas au bon endroit du travail.





La philosophie, les sciences et l'art sont trois moyens d'avancer dans la connaissance de nous-même. Ces moyens ont des voies apparemment différentes mais finalement tous doivent – la philosophie en premier – se confronter au doute.
La pensée n'avance pas autrement que par des avancées qui sont détruites et remplacées par d'autres avancées.
C'est le mouvement de la pensée.

 
Claude Régy, L'état d'incertitude





et dans le poème intitulé "L'amitié des étoiles" il s'arrangea pour que chaque être humain ait une étoile, chaque étoile un ami, chaque être humain un sosie et enfin que ce sosie porte en lui un confident.
Orhan Pamuk, Neige

 



Dans mes créations, la musique soulève formidablement le travail de cette pensée agissante et participe pleinement à la création d'un espace mental. La création sonore et musicale y trouve une place importante. Elle n'est pas une décoration. Elle devient le terrain par lequel le dialogue peut naître et exister. Elle soutient et fait éclore toutes les strates de la pensée, toutes ces profondeurs.


 



Au plateau, les acteurs agissants ont le pouvoir de sculpter l'espace et le temps. Ainsi, plus ma pratique s'affine, moins mes plateaux sont des décors. Ils ne viennent pas définir le terrain de jeu – qui est le terrain du je – mais ils viennent soutenir le vide autour des êtres, ce vide à sculpter… Ces espaces sont une atmosphère, un cosmos, une sorte d'île, de no man's land. Un espace en suspension qui ne tient que tant que les êtres l'habitent.


Pour densifier ces atmosphères, je veux travailler de plus en plus avec la magie nouvelle. Elle permet de distendre le temps, de créer dans l'espace des phénomènes étranges qui aiguisent notre écoute et nous maintiennent encore plus à fleur de peau sur ce que nous percevons.


Il n'y a pas de "message". La pièce est une expérience, du ressenti, du vécu. Et le spectateur agit aussi. Il est amené à rencontrer ses propres visions, par sa propre expérience et son vécu, transcendés par le poème.


 


C'est absolument vrai qu'on n'a pas envie de parler de son travail. On sent aussi que quand on en parle, sans qu'on le veuille, il y a forcément un élément de tricherie qui intervient parce qu'on ne peut pas en parler. Peut-être même il ne faut pas en parler. C'est quelque chose de très mystérieux. Quelque chose qui doit rester secret. Dont on ne doit pas non plus être totalement conscient.

Et puis si on fait ce travail c'est pour essayer de transmettre quelque chose et que les gens le rencontrent. Si on doit expliquer le mode d'emploi, si on doit expliquer ce qu'on veut faire, comment on le fait, je crois d'une part que c'est une imposture, et d'autre part si on y arrivait ce serait quelque chose comme une trahison.
Peut-être même ce ne serait pas très propre, un peu obscène.
Je crois qu'il faut garder le secret là-dessus, je crois que les artistes s'expliquent trop. Déjà, s'appeler artistes c'est très équivoque, c'est très prétentieux, on ne sait pas ce que c'est d'ailleurs. Maintenant le mot créateur ne veut pas dire grand-chose non plus, on l'emploie pour la mode, pour la cuisine, pour n'importe quoi. On est "créatif". On vit une période très "créative".
Elle stagne pourtant comme une eau morte, dangereuse, croupissante.
Sous le fallacieux clinquant de la technologie triomphante.

 
Claude Régy, La Brûlure du monde





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